La pétition en ligne, un nouveau pouvoir ?
Depuis quelques temps on voit se multiplier les emails vous proposant de signer une pétition sur les thèmes les plus divers : politique, faits de société, réformes institutionnelles, cas particuliers, etc.
Le support de ce nouveau mode d’expression, c’est le web avec les sites comme Change, MesOpinions, Avaaz, ou encore WeSign.it. Ils permettent à tout le monde de soutenir le projet de son choix en quelques clicks, et gratuitement bien sûr.
Une telle facilité explique le nombre parfois record de signatures qu’on observe dans certains cas : jusqu’à plusieurs millions. En outre, la traduction de la pétition dans d’autres langues et le caractère international de certains sujets font que les signataires ne se recrutent plus dans un seul pays, mais dans le monde entier, d’où les scores énormes qu’on atteint parfois. Rien qu’en France, on comptait 5 millions de signataires en 2014.
Pourquoi un tel succès ?
Les raisons du succès
Tout le monde peut lancer une pétition. Chacun peut proposer aux autres de signer sur le thème qui lui est cher. Une telle facilité permet l’apparition immédiate de doléances en réaction à l’actualité par exemple.
Les thèmes concernent autant l’intérêt général que des cas particuliers. Exemple : voter une loi obligeant les supermarchés à distribuer leurs invendus, forcer Agnès Saal à prendre le bus… Avant l’ère d’internet, il n’y avait guère qu’en Suisse où il existait un système de démocratie populaire aussi large.
De plus les conséquences pour le signataire sont faibles voire nulle. La signature ne demande pas d’implication : pas de coût, pas de déplacement, etc. On peut se révolter ou s’indigner d’un seul clic. C’est beaucoup plus rapide que d’adhérer à un parti politique ou à une association.
Les plateformes pratiquent aussi une forme de modération, comme sur les réseaux sociaux : les pétitions trop extrémistes, provocantes - encore que cela soit subjectif - ou redondantes (plusieurs sur le même sujet) sont supprimées.
Et pour ceux qui le souhaitent, il presque partout possible de faire retirer sa signature après coup, sans justification, et même pour son auteur de supprimer sa pétition.
Les limites du système
Revers de la médaille, la facilité de lancer une pétition entretien les mouvements d’opinion : on réagit sur l’instant par rapport à une photo ou un fait divers, et l’émotion remplace parfois la réflexion. Et cela bien que les sujets soient parfois d’une importance très relative.
Exemple : 1,3 millions de personnes ont demandé justice pour… le lion Cecil, abattu par des braconniers. On peut aimer les animaux, mais tout de même, il y avait des causes plus fondamentales à défendre. C’est la dictature du court-terme, un phénomène qu’on observe aussi dans bien d’autres secteurs.
Par ailleurs la force des pétitions en ligne, le nombre de signataires, est sujet à discussion. Les premiers sites dédiés pouvaient être facilement hackés ou les résultats bidouillés. Maintenant toutefois, il semble que dans l’ensemble, les statistiques de votants soient fiables.
Quant aux succès revendiqués par les plateformes, il convient de les relativiser : s’il est indéniable que certaines décisions politiques ou d’entreprise ont été influencées, la plupart des textes tombent dans l’oubli faute d’adhésion. Ceux qui dépassent le milliers de personnes signataires sont finalement assez rares.
Sans compter que même lorsque le soutient est massif, elles peuvent rester sans effet. A l’inverse, une pétition recueillant peu de signatures peut avoir une influence importante si elle bénéficie d’une forte exposition médiatique.
L’authenticité de la revendication
Plusieurs fois pourtant, on s’aperçoit que les pétitions sont lancées par des militants politiques. Serviraient-elles à influencer l’opinion publique ? En théorie un parti qui demanderait à ses membres de voter pour une pétition pourrait ainsi faire croire à un soutien populaire, mais dans les faits cela reste difficile à prouver.
Certains demandent donc que le lanceur de pétition ne puisse pas rester anonyme. Mais une telle mesure nuirait certainement à leur efficacité, en faisant craindre des représailles à l’intéressé : après tout, on vote bien dans un isoloir, alors pourquoi sur internet serait-on obligé de révéler ses opinions ? Dans les faits, les auteurs sont parfois des personnalités connues, comme la journaliste Elise Lucet en France.
Et d’ailleurs, comment les plateformes se financent-elles ? En fait, aucun modèle économique spécifique ne se dégage. L’argent vient de multiples sources : dons d’associations ou de particuliers, pétitions sponsorisées (une entreprise paye pour en lancer une), publicité sur le site, etc.
Sont-elles donc vraiment indépendantes ? Dans certains cas, comme celui d’Avaaz, on peut en douter, les fondateurs ne faisant pas mystère de leurs orientations politiques.
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